Les actes du colloque
Les présentations scientifiques sont le fruit de travaux de recherches appartenant à leur intervenant respectif leurs contenus n'engagent que leurs auteurs.
Vous trouverez ci-dessous des clés d'écoute, les supports de présentation (à suivre en simultané lors de votre écoute) ainsi que les retranscriptions des sessions de questions/réponses associées aux différentes interventions :
Introduction [Jean-Michel Lucas]
Témoignage politique [Anne-Marie Jean]
Témoignages professionnels [Boris Vidal & François Legée]
Introduction à Wicri - Bibliothèques numériques pour les musiciens amateurs [Jacques Ducloy]
#1 L'amateur entre fortune, patronage et bricolage [Georges Escoffier]
#2 Diriger des amateurs, une affaire de professionnels [Guillaume Lurton]
#3 "Aux amateurs de la noble science de Musique". Nouveaux acteurs et pratiques musicales au XVIe siècle [Jacques Barbier]
#4 Entre sous-professionnel et amoureux de la musique, l'ambiguïté du mot “amateur” témoin de notre difficulté à définir notre relation à la musique [Pierre d'Houtaud]
#5 La sociabilité des amatrices au salon : l'opéra genré du Magasin des demoiselles (1854-1880) [Sabine Teulon-Lardic]
#6 Ernest Laurent : un négociant en vin montbéliardais dans l'orchestre du festival de Bayreuth de 1876 [Denis Morrier]
SUPPORT DE PRésentation - Politique de soutien aux pratiques en amateur
Questions/Réponses
- Dans tout ce qu'il a été envisagé lors de cette délibération, est-ce qu'il y a un lien avec le Conservatoire à Rayonnement Régional dont la vocation de former des amateurs ?
Je ne sais pas encore exactement quelle forme cela va prendre. Le lien existe déjà un petit peu, le simple fait que ce soit un professeur de direction du conservatoire qui soit venu, montre un petit signe de cela. On a eu une première réunion de travail avec les acteurs du monde professionnel, les directeurs des grandes institutions et la direction du conservatoire étaient conviés également. Nous avons fait un tour de piste de repérages prudents de leur part sur leur collaboration avec les amateurs.
Boris Vidal est directeur du conservatoire de Châlons-en-Champagne
François Legée est directeur artistique et chef de choeur du Gradus ad Musicam
Nous présenterons le réseau Wicri, réseau de wikis pour gérer des bibliothèques numériques alimentées par des scientifiques à l'intention de la société. L'un d'entre eux est dédié à la musique, en ciblant notamment les choristes curieux. Un autre rassemble des médiévistes, des philologues et des musiciens autour de la chanson de Roland.
Support de présentation - Introduction à Wicri
Depuis son émergence au XVIIIe siècle, l'amateur peut s'inscrire dans trois positions (combinables) : le divertissement, manifestation du désintéressement, l'engagement, manifestation d'un patronage et le bricolage, manifestation d'une résistance ambigüe à la culture savante.
Support de présentation #1
Questions/Réponses
- Quelle est la compétence reconnue, formellement ou non, des chefs de choeur à l'époque ? Quels diplômes et quels cursus ou parcours ?
- Quelle prise en compte du Plan Landowski / Fleuret, avec les délégués départementaux et régionaux, les Agences Régionales et les missions voix, les classes de direction de choeur dont Bernard Tétu a créé la première dans les années 80 ?
- Pour vous, la question du vieillissement des chorales, cette question générationnelle et le fait que les jeunes ne chantent peut-être plus en choeur mais de manières individuelles, est-ce une évolution sociétale ?
- Quelle est la différence de pratique, pour vous, entre interpréter une "grande oeuvre" et chanter à l'unisson avec une bande son ? Y en a-t il une plus valable que l'autre ? N'est-ce pas le fait de pratiquer qui est le plus important ?
- Dans votre typologie, comment positionneriez-vous les pratiques de masse portées par les mouvements d'éducation populaire ? Rassembler des milliers de choristes (avec une part prépondérante de sopranes) a ses origines dans les mouvements d'éducation populaire avant d'être porté par des manifestations plus axées sur l'événementiel et les musiques actuelles (Choralies, concours orphéoniques...)
- Quand vous dites éducation populaire, est-ce que le sens c'est de l'ordre de l'émancipation ? S'il y a émancipation, qui émancipe qui ?
- Est-ce que le sens des pratiques musicales est perdu ?
Dans son acception contemporaine, la notion d'amateur est définie par opposition à celle de professionnel. Pour autant, amateurs et professionnels ne vivent pas en vase clos. Le flou et la porosité des frontières qui les séparent invitent à se pencher sur leurs relations. Nous traiterons cette question en étudiant l'encadrement des groupes amateurs de musique d'ensemble. Le parcours et le profil des professionnels qui encadrent ces pratiques sont révélateurs de la structure des univers musicaux contemporains et de la place qui y est accordée aux amateurs.
Questions/Réponses
- Existe-t-il des études sur : « comment les professionnels du monde culturel entrent en contact avec le milieu amateur » ?
Un des grands problèmes de la pratique amateur c'est : qu'est-ce qu'on fait chanter ? Comment est-ce qu'on trouve un équilibre entre ce que veulent les personnes en face de nous, ce que veulent les encadrants, ces envies esthétiques et est-ce que cela est possible ? Au-delà de la vocation pédagogique d'aller vers les amateurs, il y a quand même quelque chose qui revient, c'est que les amateurs sont des personnes que l'on doit guider, former, amener vers du mieux et là se posent les questions : quelle est l'autonomie culturelle dont disposent ces personnes ? Doit-on les guider ou doit-on accepter que des gens se retrouvent pour faire de la petite chanson populaire ?
La question du rapport au public est finalement un peu inversée, on ne cherche pas de la crédibilité esthétique auprès du public, dans beaucoup de choeurs amateurs, on cherche à avoir un public pour se faire plaisir lors d'un concert. Il y a quelques groupes que je qualifierais de grands amateurs qui eux rentrent dans un rapport au public qui est beaucoup plus similaire à celui du rapport au public des groupes professionnels.
- L'objectif des sociétés philharmoniques est d'amener les amateurs à l'admiration des grandes oeuvres patrimoniales. Le répertoire des harmonies est un répertoire de transcription de grandes oeuvres du patrimoine. La mission a changé aujourd'hui car il est clair qu'en abordant des répertoires totalement différents, les amateurs comme les professionnels ont un bagage musical qui n'est absolument pas le même bagage des musiciens issus des harmonies d'il y a 50 ou 60 ans et la relation au patrimoine, pour moi, est très claire dans la mission vis-à-vis des amateurs.
Quant à la question du rapport au répertoire dans le mouvement A Coeur Joie, il y a effectivement le projet central de César Geoffray d'amener les chanteurs aux grands répertoires et d'utiliser la petite chanson pour arriver au grand répertoire. Je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose de totalement nouveau.
- Questions d'ordre sémantique : pourquoi vouloir « intégrer » et non pas « accueillir/permettre/être facilitateur » ? / Pourquoi définir amateur par la négation (non-professionnel... cursus/ hors cursus...) et ne pas aller vers plus de complémentarité/porosité ?
Comment faire pour travailler sur les dynamiques de professionnalisation des chefs de choeur alors que quand on fait le compte 40 ans plus tard, je n'ai pas le sentiment que toutes les transformations ont provoqué une hausse du niveau, je pense qu'il y a plus de choeurs de très bon niveau qui ont 30-40 ans mais est-ce que ça a révolutionné le dynamisme du milieu, je n'ai pas l'impression qu'on ait réglé les problèmes d'attrition du recrutement des choeurs amateurs. Ma remarque sur l'intégration est conditionnelle, s'il faut continuer à aller vers ce milieu de professionnalisation de l'encadrement, à un moment donné, la question de « que fait-on pour que les professionnels intègrent le fait que les groupes face auxquels ils vont se retrouver n'ont pas en tête la même représentation qu'eux en terme de ce que c'est faire de la musique ? ». Je suis moi-même assez sceptique sur cette dynamique de professionnalisation, c'est-à-dire que je pense qu'on en voit les limites, il y a eu une transformation du profil des encadrants. On est passé d'un profil avec une petite once de dédain des animateurs à des musiciens. On forme de plus en plus de chefs de choeur musiciens mais on a moins d'animateurs et cela se ressent dans la dynamique du milieu.
- On parle de professionnels pour encadrer des amateurs, pourquoi ne pas créer des espaces de formation pour que les professionnels soient plus au fait de la pratique musicale en amateur ?
L'autre enjeu, qui pour moi est le plus important : comment faire pour que les futurs professionnels qui se forment au conservatoire intègrent autre chose que la perspective de vocation qui est celle dans laquelle ils sont formés ? Il y a un troisième enjeu : comment, si on institutionnalise le milieu, si on professionnalise, laisser malgré tout un espace dans lequel les amateurs, encadrants amateurs, se retrouvent ? J'ai l'impression que la dynamique de professionnalisation et d'intégration du chant choral au conservatoire a eu quand même pour effet d'inhiber des parcours qui étaient courants.
Je pense que là où le parallèle avec les musiques traditionnelles est très intéressant et là c'est un enjeu de sociologie voire de philosophie esthétique : comment fonctionne les univers artistiques ? Est-ce qu'ils fonctionnent avec une logique d'autonomie esthétique dans laquelle la finalité du fonctionnement de l'univers est esthétique ou est-ce que l'on est dans un univers dans lequel il y a une dimension fonctionnelle ?
Dans les musiques traditionnelles ce n'est pas l'esthétique qui est centrale et je pense que c'est l'un des problèmes auxquels on est confrontés aujourd'hui : Est-il possible de faire vivre et de soutenir institutionnellement des pratiques culturelles sans rentrer dans ce rapport d'autonomie esthétique dans lequel l'art devient la finalité unique de la pratique ?
Jacques Barbier interroge les sources musicales manuscrites et imprimées, les traités et quelques oeuvres sacrées et profanes de la Renaissance afin de confirmer l'émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques musicales. Il confirme ainsi, à côté des musiciens professionnels, la présence nouvelle de musiciens amateurs dont la pratique est considérée comme "le passe-temps le plus doux" ; une vision inspirée de l'humanisme ambiant dans l'Europe du seizième siècle mais surtout une nouvelle clientèle recherchée et choyée par l'activité alors en plein essor des principaux imprimeurs de musique.
Support de présentation #3
Questions/Réponses
- L'amateur est-il un musicien savant ou pas ? Le traiter d'Artouzi commence par l'éloge de l'oisiveté.
- Je pense que la musique et surtout la pratique amateur c'est aussi avant tout pour les gens un pansement de l'âme et aussi une vibration et je pense que les gens recherchent ça aussi.
- Vous avez parlé d'appauvrissement des répertoires à partir du moment où apparaît l'imprimerie. Pouvez-vous développer ?
- Je m'interroge sur la géométrie variable possible autour de ce qui est imprimé, y-a-t-il une marge de manoeuvre qui fait que selon son niveau on va réaliser les pièces ? Les jouer mais décider qu'on fasse un autre nombre de voix ? Qu'on peut se permettre autant d'ornementations et de diminutions différentes selon ses capacités ? C'est une interrogation sur l'adaptation possible à chacun d'un répertoire comme cela.
- Cette liberté de réaliser comme on le peut et comme on le veut, j'ai l'impression qu'ensuite avec le grand répertoire à une certaine époque, on est juste pour une mémorisation de l'essentiel. Cette liberté et cette marge de manoeuvre fait que chacun peut réaliser correctement mais à son niveau et à partir du moment où le répertoire se fige avec des parties obligées et on ne peut pas déroger. Forcément, les professionnels deviennent meilleurs que les amateurs et une hiérarchie symbolique s'établit et se conforte. Quels sont les endroits aujourd'hui où il serait possible de retrouver une marge de manoeuvre et une forme de liberté et d'interprétation à partir d'un texte ?
L'émergence du statut de musicien professionnel contemporain à partir du XIXe siècle et la mystification du rôle de virtuose et du génie créateur issue de la philosophie continentale à la même époque engendra par voie de conséquence un vide pour nommer et définir une réalité de la vie musicale : celle des pratiques musicales non professionnelles. Ce vide pour nommer ce qui n'est pas est actuellement comblé par un terme paradoxalement positif : celui d'« amateur » désignant alors celui qui aime la musique. Il nous semble alors important d'aborder ce paradoxe linguistique, source des difficultés d'analyse des pratiques musicales au sein de la dichotomie « professionnel et amateur », afin de mettre en lumière une question beaucoup plus philosophique mais néanmoins cruciale pour l'étude de la musique et pour son organisation politique : celle du rapport de l'homme à la musique que nous nommons « rapport esthétique ».
Questions/Réponses
- Le bénévole ne serait-il pas plutôt un professionnel qui accepte de ne pas être rémunéré, ceci suppose qu'il est au même endroit qu'un professionnel et donc qu'il n'est pas forcément amateur ? Si l'amateur n'est pas une version dégradée du professionnel qu'est-il ? Et en tant que spectateur, dans quelles conditions serait-il plus intéressant d'assister à la représentation de musiciens amateurs ?
Est-ce que l'amateur serait un professionnel qui accepterait de ne pas se faire rémunérer ? Dans cette question on donne déjà au professionnel une valeur comme une définition de quelque chose. Je pense que le professionnel c'est une définition sociale et donc l'inverse de professionnel ça ne peut être que bénévole ou quelque chose comme ça, c'est-à-dire quelque chose qui sort du cadre de faire profession dans une société. Ensuite le problème d'amateur, donc il parle du bénévole, on l'a vu jusque-là mais il parle d'autre chose qui me semble aussi important et qu'on ne peut écarter complètement : qu'est-ce qui fait qu'on rentre en relation avec quelque chose qui nous paraît bateau parce qu'on le fait tous les jours, peut-être encore plus bateau pour nous parce qu'on est souvent issus de professions de la musique, on en a beaucoup mangé et ça nous paraît être une attitude normale mais si on prend une posture d'ethnomusicologue ou d'ethnologue, c'est-à-dire, on se regarde, qu'on se demande « mais pourquoi je fais de la musique ? Il n'y a aucun intérêt physique, ça ne m'aidera pas à manger ». Il y a une valeur désintéressée et il faut comprendre comment on fait, pourquoi on a construit autant de sociétés. Kafka, qui a écrit une nouvelle que je trouve excellente, que je vous invite à lire qui est « Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris » qui pose ces questions. C'est la dernière nouvelle de Kafka, il va bientôt mourir, il est sur un bilan de sa vie et il se pose la question de l'art et il passe par une souris qui couine et qui va nous obliger à déplacer notre jugement c'est-à-dire qu'au lieu de penser à nous on va penser à autre chose, on va vraiment faire le travail de l'ethnologue. Il dit « mais cette couineuse, elle couine comme toutes les souris qui couinent, elle ne couine pas mieux que les autres, elle couine de manière bizarre parce que quand elle couine, les gens s'arrêtent et les gens vont même lui donner à manger pour qu'elle couine et qu'elle n'ait pas de temps à perdre à travailler pour aller chercher à manger ». Donc cette souris qui est une souris travailleuse, qui parle, qui est le narrateur, va poser l'ensemble des questionnements qu'on doit se poser qui est mais qu'est-ce qu'on est en train de faire quand on fait de l'art.
Pour moi la réponse, à force de réfléchir et réfléchir à ça, elle ne peut être que dans un rapport au monde, à définir bien entendu, mais dans un rapport au monde, c'est-à-dire, qu'en tant d'être humain on s'inscrit en tant que bestioles, en tant qu'animal et on s'est construit d'abord comme un animal qui a besoin de survivre et de rentrer dans le monde en le comprenant et en interagissant avec. Je pense que la religion nous demande de réfléchir finalement à notre rapport en tant qu'être humain au monde dans un court laps de temps et que, quand on se confronte dans des activités artistiques, c'est à mon avis exactement ce qu'on fait. Je pense qu'il y a énormément d'humanité dans les arts et dans la musique et le besoin de mettre ça en loi, car les lois représentent la manière de penser du monde et que, quand on a des amateurs en terme négatif et bien cela montre que le champ lexical n'a pas été compris, que très certainement la philosophie continentale a fait du mal. Car le questionnement de départ est très bon mais qu'est-ce qu'on fait quand on est face à quelque chose que j'appelle musique et pourquoi on y met autant de valeur. C'est impressionnant et pourquoi il y a autant de gens et comment on va faire pour fédérer après tout ça etc. C'est la suite.
- En quoi la redéfinition du rapport esthétique proposée est-elle propre à l'amateur ? Ne revient-elle pas à établir une équivalence entre amateur et artiste ? Et dans ces conditions pourquoi aurait-on besoin des deux termes ?
- Est-ce que l'amateur ne peut pas être aussi assimilé à un connaisseur au 18e siècle ? Il y a surtout, dans le monde de l'art contemporain, pas mal de théories sur la réception de l'oeuvre qui sont quand même faites depuis des décennies et donc j'imagine que c'est quand même un triptyque que l'on essaye de déconstruire aujourd'hui.
- Je trouve cela très intéressant de développer l'idée du rapport au monde parce que cela permet aussi de dépasser cette idée qui est assez prégnante de la pratique artistique qui est le développement personnel et l'épanouissement personnel. Généralement on s'arrête là, on dit « pourquoi je fais de la musique ? : C'est parce que je veux m'épanouir, je veux me développer intimement etc. » Le rapport au monde restitue ces pratiques-là dans un système plus général.
- Comment permettre aux personnes éloignées des milieux culturels et artistiques de découvrir de nouvelles esthétiques sans tomber dans le dogmatisme, sans enjoindre qui que ce soit à préférer certaines esthétiques dites légitimes à d'autres ?
Dénaturer ce n'est pas non plus un crime, des fois ça fait du bien de dire « j'ai été inspiré par telle personne dans ma vie, il m'a un peu dénaturé par rapport à mes points de départ mais au final je suis quand même content de là où je suis allé ». Mais ce sont quand même des questions que l'on doit se poser en tant que responsable, si je suis responsable politique, si je suis responsable d'un organisme, à quel moment j'accompagne quelqu'un…
- Remarque : Entre amateur et professionnel sur la relation à la compétence : je pense qu'intuitivement on postule qu'un professionnel est compétent. Par contre dans la relation de l'amateur il me semble qu'il y a deux catégories où les amateurs ont une relation avec le plaisir et il y a une catégorie qui me semble plutôt statique et le terme n'est pas péjoratif. Si je vois mes copains de la chorale, il y en a qui sont contents de venir et sans trop chercher à s'améliorer ils ont un plaisir, par contre il y a une autre catégorie plus difficile à définir, celle qui trouve du plaisir en progressant et là on rentre dans le rapport à la compétence, il y a une dynamique. Il y a la dimension dynamique de l'amateur qu'on retrouve peut-être moins chez les professionnels. On suppose qu'un professionnel est compétent.
- Remarque : Il y a une poursuite de la discussion qui s'est mise en place tout à l'heure autour de ta définition esthétique. Je trouve que la manière dont tu repositionnes le rapport à l'esthétique est intéressante, je ne suis pas encore totalement convaincu par la nécessité d'associer cette définition-là au terme amateur car comme on l'a dit, on retombe sur des phénomènes qui sont assez proches, en quoi on le différencie de l'artiste, du connaisseur... Ici, puisqu'on travaille sur les catégories, on a du mal à caractériser parce que cette perspective enlève et déconnecte la question de l'amateur de la question sociale que tu évoquais plus tôt donc je pense que ce qui est important c'est justement d'arriver à tenir les deux : le rapport esthétique et la question de la définition sociale. C'est pour ça que je n'associerai pas les caractéristiques esthétiques que tu proposes au rapport de l'amateur. Par contre ce que je trouve très intéressant c'est que justement cela permet de reposer la question de l'amateur en lien avec la manière dont tu positionnes les choses au départ. À partir de ta définition, la pratique devient elle-même une réception et à ce moment-là, ça permet de réintroduire la question sociale. De même, puisque la réception est une pratique, intéressons-nous aux réseaux de médiation qui vont permettre cette écoute de devenir pratique. En renversant les choses, on réintroduit les mêmes questions mais en déplaçant le problème, ce qui nous intéresse ce ne sont plus les auditeurs ou les récepteurs, mais c'est de voir comment le fait de faire est en soit également une réception de la pratique et là, on peut rouvrir toutes les questions que tu poses. Là, ça ouvre un programme ethno, socio, où vont les médiations qui permettent à une pratique d'être une écoute ?
- C'était pour le problème des compétences et le problème d'acquisition des compétences petit à petit. Dans le peu que je peux voir dans les publications qui existent actuellement et qui arrivent actuellement parce qu'il y a encore beaucoup de questionnements dans la musicologie sur les pratiques musicales qui ne sont pas les grandes pratiques musicales telles qu'on les a connues jusque-là.
De 1854 à 1880, le Magasin des demoiselles, l'un des premiers périodiques féminins en France, publie un opéra de salon annuel pour ses abonnées. Destiné à l'espace semi-privé du salon bourgeois, l'objet culturel du périodique est genré : tous les rôles et emplois de cet opéra-comique en réduction sont féminins. Nous scrutons ces caractéristiques au prisme de trois oeuvres de la collection – La Cigale et la fourmi, La Dame de compagnie de F. Poise, La Fille du golfe de L. Delibes.
Support de présentation #5
Questions/Réponses
- De quelle manière cette étude de cas résonne-t-elle à notre époque actuelle ?
- Toutes les chanteuses semblent amatrices, quid de l'ensemble instrumental / accompagnement de piano ? L'accompagnement de piano est féminin ou pas nécessairement ?
- Celle-ci résonne sur les deux questions de l'espace du concert et l'espace de la pratique. On a un modèle qui est le salon bourgeois par rapport à ce qu'on voit aujourd'hui, beaucoup de compagnies, de groupes de choeur, essayent d'aller désacraliser le lieu du concert et d'aller dans de nouveaux espaces de concert et qui, à l'inverse posent la question des conditions de la pratique dans l'espace où on pratique chez soi et des moyens que l'on a pour ça.
- George Sand utilisait le terme de théâtre vivant pour cette pratique du théâtre. Le théâtre existait, pourquoi a-t-elle ajouté ce terme de théâtre vivant dans ce cadre-là qui fait résonnance au fait qu'on parle de spectacle vivant aujourd'hui ?
Ernest Laurent (1839-1902) fut le seul musicien français qui soit venu participer à la création de la Tétralogie de Wagner, Der Ring des Nibelungen, au premier Festival de Bayreuth de 1876. Ce violoncelliste était venu apporter bénévolement son concours : il n'était pas un musicien professionnel, mais un « amateur » fortuné, négociant en vin à Montbéliard. Quinze ans plus tard, le même Ernest Laurent serait le créateur en France du Concerto pour Piano d'Edvard Grieg, lors d'un concert mémorable au Grand Théâtre de Bordeaux, tenant cette fois-ci la redoutable partie de piano solo. A la fois "Amateur", "Virtuose" et "Militant de la cause de la Musique de l'Avenir", Ernest Laurent offre une image à la fois singulière et exemplaire de la pratique musicale des amateurs en France au XIXe siècle.
Support de présentation #6
- Amateur passionné ou professionnel ?
- Remarque : Ce matin nous avons évoqué la question de la compétence et on pose la question du diplôme et de la compétence a priori particulièrement en France et c'est vrai qu'elle reste parfois vérifiée pour certains professionnels.
- Est-ce que dans les archives on trouve des éléments sur la manière dont il y a des choses qui émanent justement des musiciens professionnels avec lesquels Ernest Laurent travaille. Et de la part de la famille ? Parce qu'on voit que dans la descendance il y a quelque chose qui a enjolivé le fait de se produire en concert, est-ce qu'on a une idée de comment ça s'est perdu ? Quelles étaient les représentations de ce milieu social à l'égard du fait de se produire comme ça ? Même question sur les relations entre amateurs et professionnels avec justement l'orphéon local, les musiciens locaux, comment étaient les relations, est-ce qu'on parle de relation d'égal à égal quand on construit ces programmes pour les concerts de bienfaisance ?
Un des chantiers que j'ai commencé à mettre en oeuvre, c'est de chercher des relations, des revues de presse, j'en ai trouvé beaucoup pour la période de Bordeaux, pour Montbéliard il y a vraiment un problème de couverture presse des concerts, c'était déjà comme ça à l'époque. Ici beaucoup de concerts se passent dans des salles des fêtes ou dans des théâtres et un grand nombre de spectacle, je me rends compte qu'il y en a d'autres qui se passent dans des salons en particulier à Bordeaux. Je me rends compte qu'en gros ce sont les mêmes programmes et le système de concert de variété se retrouve de l'un à l'autre et la pratique de salon peut être translatée directement sur la scène du théâtre et avec les mêmes acteurs ce qui est intéressant et les questions qu'il faut se poser c'est pourquoi est-ce que l'on passe du salon familial au théâtre et j'en ai donné la réponse, ce sont des questions de bienfaisance. À chaque fois il y a ce côté concert de bienfaisance et il y a un besoin récurent de réclamer des fonds. Pour la troisième question, là aussi je manque de documents précisément, ce serait déplacé de ma part de vous répondre.
- La place de la culture musicale dans les cursus d'enseignement, c'est quelque chose qu'on aborde peu. On parle de l'apprentissage de l'instrument, de la pratique, de la pratique collective mais la discipline de la culture musicale est-ce que c'est dès la formation initiale ou est-ce que c'est dans tous les établissements ?
- Au 19e est-ce que cette culture musicale se fait dans la famille, par des paires ?
- Remarque : Les programmes des 6 séances de musique classique, en 1877, l'ensemble de cette programmation en quelque sorte est quelque chose de commun à toute la France puisque j'ai fait un travail sur les sciences musiques classiques à Montpellier dans la décennie 1880 et je retrouve exactement non seulement les mêmes compositeurs mais les mêmes oeuvres. Il y a quelque chose d'intéressant, il faudrait dresser un diaporama de ces concerts, comment les gens fonctionnent-ils pour qu'il y ait un réservoir qui se créé dans la musique du 18e et contemporaine, du 18e jusqu'au 19e sur des territoires quand même assez éloignés.
- J'ai été assez interloquée de voir le soutien à la société de Vincent D'Indy vers 1870. Je voulais savoir si, à part d'être de grands catholiques certainement tous les deux, est-ce qu'il y a un lien de proximité musicale ?
- Est-ce qu'il y aurait des lettres de Saint-Saëns sur le parcours algérien ?
- Vous avez présenté Ernest Laurent comme un amateur passionné, distingué mais pour rattacher votre présentation à l'objet de notre colloque, au final, la distinction entre amateur et professionnel est une distinction purement économique qui n'a de sens que lorsque les personnes ont le besoin de gagner leur vie. L'amateur c'est celui qui fait de la musique sur son temps libre mais temps libre signifie que cette personne travaille et le professionnel est celui qui va faire le choix de gagner sa vie donc de consacrer tout son temps à la musique pour gagner sa vie. Mais dans le cas d'une personne qui n'a pas à gagner sa vie, cette distinction est complètement inopérante et n'a aucun intérêt puisqu'il n'y a pas d'intérêt non plus du point de vue des politiques culturelles parce que, quand on met en place une politique culturelle, c'est soit pour aider les professionnels à trouver du travail soit pour soutenir les amateurs dans leur pratique, dans un temps limité qui est leur temps libre mais il n'y a pas besoin de politique pour des gens comme ça.
- Non. Mais aujourd'hui est-ce qu'on pourrait toujours dire que ce sont des personnes comme lui, qui ont tout leur temps pour développer leurs pratiques musicales, qui cherchent à diffuser à la musique ou est-ce qu'on a affaire à deux choses complètement différentes aujourd'hui ?
- Et donc, à quel point les grands mécènes individuels influencent-ils la politique culturelle aujourd'hui puisque c'est quelque chose qui existe, qui n'existait pas à l'époque. Le fait qu'il y ait des grands donateurs, à quel point ça influence la diffusion des oeuvres aujourd'hui ?